●  Démarche Ramain  ●

Simonne Ramain

Frappée par une méningite en pleine adolescence Simonne Ramain doit abandonner ses études. Les recommandations médicales de l’époque l’invitent à mener une vie « limitée pour toute occupation à des travaux manuels, en évitant les efforts intellectuels » (La méthode Ramain –Revue LABYRINTHE sous la direction de G. FAJARDO – ASRI- 92 bis Bd. du Montparnasse – 75014).

Comment ne pas se laisser enfermer par les séquelles de la maladie ? Comment libérer son corps des contraintes de la maladie ? C’est le premier terrain de recherche de Simonne Ramain.

Elle n’avait pas encore 20 ans que sa famille rencontre de graves problèmes financiers. Simonne Ramain doit aller travailler en usine, sans préparation, sans formation. Dans ce nouveau cadre, elle se trouve « maladroite, inhabile, incapable de résoudre les problèmes, d’intégrer les ordres des chefs, les conseils de ses camarades et les difficultés de maniement des machines  » (La méthode Ramain –Revue LABYRINTHE sous la direction de G. FAJARDO – ASRI- 92 bis Bd. du Montparnasse – 75014).

Comment arriver à comprendre ce qui se passe dans la relation à une situation de travail, comment trouver l’attitude adéquate ? Pourquoi cette attitude « ne surgit pas spontanément, naturellement » ? Quelle est la cause, l’origine de ces freins qui bloquent la mobilisation des ressources que nous avons en nous et qui nous permettraient de donner des réponses adaptées aux situations rencontrées? La formation professionnelle est ainsi un autre cadre de recherche pour Simonne Ramain.

L’intuition géniale de Simonne Ramain fut de recréer des situations, hors contexte professionnel, lui permettant de chercher à comprendre ce qui s’était passé en réalisant péniblement les tâches qu’elle devait accomplir.

C’est donc à partir de son expérience de vie personnelle et de la formation professionnelle que Simonne RAMAIN s’engage dans une recherche qui devait durer toute sa vie.

Son désir d’élargir le champ de sa recherche l’amène à travailler avec des populations présentant des handicaps divers : aveugles, dyslexiques, sujets perturbés sur le plan neurologique, psychologique….

A cette époque, vers 1930, on ne parle pas encore de la « méthode Ramain » mais des « exercices de Mademoiselle Ramain ».

Son travail avec des neurologues, psychologues, pédagogues, un peu plus tard avec la Direction des Ecoles de la Chambre de Commerce de Paris, les actions de formation des professeurs, moniteurs, rendent nécessaires un travail d’écriture, une ébauche de conceptualisation. C’est alors, dans les années 50, que l’ensemble des exercices Ramain prend le nom de « METHODE RAMAIN ».

Décédée en 1975, elle laisse une œuvre considérable, malheureusement peu connue dans les milieux de formation et d’éducation. Pourtant, les propositions issues de ses travaux sont au cœur des préoccupations actuelles de la vie personnelle, sociale et économique de ce qu’il est convenu d’appeler « la vie moderne ».

N’est-il pas vrai que si l’individu ne souhaite pas être absorbé, écrasé par l’environnement, il convient que l’éducation et la formation s’appuient sur :

  • une approche globale de la personne, c’est-à-dire une prise en compte des facteurs cognitifs, affectifs et corporels
  • une recherche personnelle
  • l’ouverture à des compétences inutilisées
  • une disponibilité accrue à s’adapter à des situations variées
  • les attitudes de créativité, de vigilance, de disponibilité
  • l’engagement de soi
  • l’endurance dans l’effort

La démarche Ramain

Comme pour de nombreuses méthodes dites de développement personnel, la démarche de Simonne Ramain s’appuie sur le postulat qui considère que l’homme est inachevé et donc toujours perfectible. La perfectibilité est la capacité de l’individu à progresser de façon illimitée à partir de « potentialités endormies que l’expérience réveille ».

Le postulat d’éducabilité n’est pas une simple croyance. Il implique une méthodologie rigoureuse qui favorise l’expérience personnelle, la recherche, le questionnement sur les relations à soi, aux autres, aux multiples situations de la vie.

La démarche Ramain ayant pour origine la recherche personnelle de l’auteure, il est difficile de la situer en référence à des cadres théoriques et organisateurs. C’est progressivement que les exercices de Simonne Ramain, fruits de sa recherche personnelle et de son questionnement, sont devenus la « Méthode Ramain ». Les allers et retours, de la recherche à l’expérimentation, les rencontres avec des neurologues, des psychiatres, des psychologues, ont abouti à un ensemble structuré d’exercices s’appuyant sur une démarche pédagogique bien précise.

L’essentiel des travaux de Simonne RAMAIN s’enracine dans sa volonté d’exister et de résister contre le déterminisme des médecins après sa grave maladie : Rechercher en soi ce qui « fait vie ».

Conséquences d’une géniale intuition, les moyens qu’elle s’est donné pour cette recherche ont ensuite été expérimentés dans l’enseignement, la formation ou l’éducation spécialisée, auprès de personnes présentant ou non un handicap.

La démarche Ramain est une pédagogie :

  • du risque puisque le progrès se fait par essais et erreurs. Elle permet de faire, de se lancer et d’oser.
  • qui prend en compte la globalité de l’être dans ses dimensions tant intellectuelles que motrices et émotionnelles, en lien avec son environnement
  • de l’engagement personnel avec un animateur qui guide l’expérience sans aider ni imposer
  • centrée sur la relation du sujet à lui-même et à son environnement présent, « ici et maintenant« 
  • de l’ouverture à soi et aux autres : elle passe par la confrontation à des situations inhabituelles et complexes, l’abandon progressif des préjugés, des habitudes, des stéréotypes et conduit à plus de tolérance.

C’est donc une pédagogie de la relation, en ce sens qu’elle place la personne en lien avec ses émotions, son schéma corporel, ses fonctions cognitives, ses représentations et son environnement. Mais c’est aussi une pédagogie qui, par l’intégration des expériences proposéesrendra possible la structuration de la personne.

Le support de cette confrontation est la situation créée par :

  • l’exercice ramain
  • le groupe
  • l’animateur

L’exercice : c’est une situation problématique qui est proposée au groupe et sollicite une recherche individuelle (quelquefois en groupe). Des consignes définissent le cadre de l’activité mais n’indiquent jamais des éléments de réponses. Il s’inscrit dans une programmation qui sollicite capacités et attitudes non pas les unes après les autres mais simultanément.

« L’intention est de proposer des situations mettant en jeu, dans la mesure du possible, tous les aspects essentiels des activités de la personne ».

Il faut souligner la place centrale que Simonne Ramain a toujours donnée au corps. Dans l’introduction du livre « Perception de soi« , elle précise sa pensée : « Réduire le corps à un ensemble de muscles, d’os, de nerfs, de vaisseaux, c’est comme réduire cette plante à racine, tige, feuilles, fleurs, alors qu’elle est en même temps tout cela et jardin et croissance, et ombre et flétrissure et soif et frémissement… Je ne veux pas d’un corps divisé en psyché et soma pas plus que de l’addition de ces deux pôles ; mon corps est mouvement, entrecroisement d’espace et de temps, de génétique et société, de déterminisme et volonté« .

Ainsi, les exercices de mouvement occupent une place importante dans la programmation de l’ensemble des exercices.

Précisons également que, dès le début de sa recherche, Simonne Ramain découvre l’analogie. En effet, les exercices proposés ne sont jamais d’ordre professionnel, ni liés à la vie courante ou sociale. Mais il appartient au participant de transposer l’expérience qu’il vit dans la situation Ramain, « ici et maintenant« , dans un contexte habituel.

Le groupe : « Bien que les recherches soient très individualisées, ce n’est jamais seul, en présence d’un animateur que chacun les vit, mais dans un groupe à l’intérieur duquel on doit trouver sa place et s’affirmer à partir de ses propres réactions ». G. FAJARDO souligne que c’est dans les années 1920 que Simonne Ramain opte définitivement pour le groupe dans son travail de rééducation.

L’animateur : le rôle de l’animateur  est de permettre à l’autre de vivre des expériences le mieux possible. Il ne juge pas, ne blâme pas, ne récompense pas, il n’a pas à faire valoir un savoir. La seule récompense de la personne, c’est de grandir, d’élargir son rapport au monde, à l’espace et au temps.

Citons encore Simonne Ramain : « C’est de l’animateur que dépendra le succès de l’expérience ; disponibilité à chaque membre du groupe, tous différents ; disponibilité aux exercices, tous différents mais également exigeants ; disponibilité à lui-même, pour qui chaque animation est un exercice…. Son rôle n’est ni d’aider ni d’imposer, mais de faire vivre et de guider l’expérience, ce qui nécessite qu’il la partage, qu’il l’assume d’une manière différente de celle des participants, mais vraie, toujours en relation avec ses responsabilités ».

On comprend la nécessité d’une formation solide avant de s’engager pour animer un groupe, formation qui consiste à vivre pour soi de nombreux exercices.


Certes, on peut regretter que Simonne Ramain n’ait pas voulu davantage développer sa pensée profonde. Dans de nombreux domaines elle a eu des intuitions, notamment dans celui de la neuro-psychologie, qui se vérifient par les récentes découvertes de ces dernières décennies dans le domaine des neurosciences.

Mais quel bonheur d’avoir à rechercher pour soi et par soi-même, par un long processus d’évolution, le chemin de la liberté et de l’autonomie !